Le tramway est là.
De mon salon, j’entends les cloches du tramway tinter, signe qu’il quitte son arrêt. Il est enfin là, l’attente a été difficile et longue, chantier sur chantier, rue barrée, changement de circulation aléatoire, poussière, bruit jour et nuit. Mais j’ai tenu le coup, je ne suis pas parti, j’ai vu les gens s’en aller, j’ai vu les commerces fermer, mais j’ai tenu bon, j’ai même renouvelé mon bail, je voulais être là pour le retour du tramway à Marseille, dans ma rue. Ma rue est sublime, elle descend nonchalamment sur le Vieux Port, puis bifurque par le Panier refait à neuf, enfin. Mais voilà maintenant que tout est quasiment en place, moi aussi on m’a fait comprendre qu’il fallait que je parte, le tramway, la rue propre, les grands trottoirs ce n’est pas pour moi, moi il faut que je parte, oh ils ne me l’ont pas dit, ils m’ont juste augmenté le loyer de 100 euros pour cette année et autant si ne n’est plus l’année prochaine. Oui, place aux cadres, même si ces cadres là ne connaissent rien à notre histoire marseillaise, ils s’en foutent du tramway, du vieux port, du panier, de la rue de la République, mais ça fait rien. Ils ont plus le droit que moi d’exister et d’avoir la bonne mère à portée de vue.
De mon salon, j’entends les cloches du tramway tinter, signe qu’il me nargue.