LETTRE AU PRESENT
Une boite à lettre vide, on apprécie : pas de publicité, pas de factures, ni de faire-part de décès, pas d’invitation à des soirées ennuyantes ou à un repas de famille qui traînerait en longueur.
Vide : absence de quelque chose dans l’espace.
Un boite à lettre, ça s’ouvre avec un petit pincement au cœur, en se demandant toujours ce que la vie nous réserve : la réponse d’un éditeur, d’un employeur, d’un percepteur, d’un banquier, d’un huissier, d’un préfet. Bon ou mauvais, un truc qui casserait la routine en deux.
Vide : absence de brisure dans notre espace.
Une boite à lettre sans carte d’anniversaire, ça fait mal : un peu, beaucoup, passionnément, plus du tout. On ne compte pas pour grand monde, on soufflera les bougies tout seul, en regardant la télévision.
Vide : un coup au cœur, l’absence de quelqu’un dans le temps.
Il ne vous parlera pas de ces vides là, il contemple une béance. La boite à lettre est vide et il s’en foutrait pas mal si ce n’était l’anniversaire de son fils, F., trois années aujourd’hui, un petit plein de vie, de sourires.
Que son propre père ne pense à lui passe encore, mais qu’il ne pense jamais au petit…
Faudrait inventer un autre nom pour ce genre d’individus : « grand-père » c’est impossible à dire ; « papy » ça rime avec parti ; « Vie de… », voilà le mot juste, juste un courant d’air, l’air de rien, rien à faire, faire mieux, être là…
Devant la boite à lettre vide, il pense au père qui pense à Lili qui pense que son frère lui a écrit : « je vais bien ne t’en fais pas ».
Envie d’envoyer une lettre dans la boite à lettre de son père : « il va mal, tu n’en fais rien ».
Mais il n’écrit rien, il n’envoie rien, il regarde son fils souffler ses trois bougies et cet instant est magnifique.
Il est apparemment vital que la boite à lettre de son père demeure également vide.
Vide : état de manque latent et létal, difficulté d’être au monde…