Tina entre art et vie

Publié le par Clara

weston-1923.jpgPour parler de Tina Modotti, commençons par une photo d'elle, d'un homme qui l'a aimée : le photographe Edward Weston. Il l'a aimée comme ça, parce qu'elle regardait à la fois au-dehors et en-dedans.


Tina, enfant, connaît d'abord les difficultés de la vie dans une famille pauvre du Frioul : l'impossibilité de suivre une scolarité normale, le travail précoce dans l'industrie textile, l'émigration en Autriche d'abord, puis aux États-Unis où elle rejoint ses parents en 1913.

Mariée à un peintre et poète canadien, elle vit à Los Angeles dans un milieu d'artistes et d'intellectuels, dominé par la personnalité du photographe Edward Weston, et participe brièvement à partir de 1920 à la nouvelle aventure artistique du XXè siècle, celle du cinéma, comme actrice dans trois films de Hollywood.

 

Après la mort de son mari, elle part avec Weston pour Mexico, où elle vit de 1923 à 1930. C'est une époque particulièrement bouillonnante : après les années de la Révolution, le pouvoir central s'attache à construire un état fort et respecté, au milieu des tensions continuelles, des rébellions militaires, des sanglantes luttes religieuses, entre la résistance des anciennes classes dirigeantes et la contestation d'un parti communiste lié au régime soviétique. Mais ce sont aussi des années intenses sur le plan culturel : le mouvement des Muralistes participe, avec des ouvres souvent brutales mais originales, à la formation de l'imaginaire du pays nouveau forgé par la Révolution. Tina, à qui Weston transmet sa passion et sa science de la photographie, vit dans ce milieu en effervescence qui donne au Mexique une modernité bien à lui : ses amis s'appellent Diego Rivera, José C. Orozco, David A. Siqueiros, Jean Charlot ; elle rencontre V. Maiakovsky et Frida Kahlo . Elle travaille avec Weston, elle trouve un style personnel, elle expose et se fait un nom, mais en même temps, elle est de plus en plus séduite par un engagement politique d'extrême gauche.weston01.jpg

L'évolution se précipite avec le retour de Weston aux États-Unis à la fin de 1926. L'année suivante Tina se lie à Xavier Guerrero, peintre muraliste et militant très orthodoxe du Parti communiste mexicain, qui part pour l'URSS en 1928. Tina tombe amoureuse d'un autre révolutionnaire, l'exilé cubain Julio A. Mella qui, au début de 1929, est abattu à ses côtés, en pleine rue par des tueurs à la solde du régime dictatorial de La Havane.

 

C'est finalement le gouvernement mexicain qui décide de son sort en l'expulsant en 1930, avec un agent italien du Kommintern, Vittorio Vidali. Elle ne retrouve pas l'Italie, son pays natal, mais l'Europe déchirée des années trente. Elle fait étape à Berlin en 1930, puis se fixe à Moscou où elle travaille pour le compte du « Secours rouge », organisme d'assistance aux militants persécutés. À ce titre, elle se rend à Paris en 1933. Puis, c'est juillet 1936, la guerre civile se déchaîne en Espagne, comme une sorte de répétition générale de la Seconde Guerre Mondiale ; Tina entre aussitôt au service des Républicains et s'occupe des problèmes de santé et d'assistance.

Au printemps de 1939, après la victoire des Franquistes, elle passe en France, songe à revenir en URSS et, finalement, part avec Vidali pour les États-Unis ; n'ayant pas reçu l'autorisation de s'y établir, le couple retourne au Mexique. En 1942, la mort de Tina, dans un taxi, sous le coup d'une crise cardiaque, met un point final mystérieux à cette vie hors du commun.

 
Dans une lettre du 7 juillet 1925 à Weston, on la sent déchirée entre « l'art et la vie » ; cette antithèse, qui pourrait passer pour une formule banale, elle l'assume au plus profond de son être, jusqu'au moment où, en 1930, elle opte définitivement pour « la vie » ou ce qu'elle croit être la vie. Tandis que Diego Rivera, dès la fin de 1929, choisit, par opportunisme sans doute, de quitter le parti communiste au moment où le gouvernement mexicain rompt avec cette formation et la rejette dans l'opposition, Tina reste fidèle à sa ligne de conduite et s'engage de plus en plus dans les activités militantes. Son expulsion du Mexique, en 1930, est la consécration de son choix et marque en même temps le terme de sa carrière de photographe qu'elle ne songe guère à reprendre vraiment dans cette Europe sinistre des années trente, même si elle publie quelques images dans la presse rouge de Berlin et dans une revue de l'Espagne républicaine.


Cette lettre du 7 juillet 1925, où elle confie ses doutes à son amour Edward Weston, est magnifique, j'aimerais bien l'avoir. Si l'un de vous l'a sous la main, il pourrait me la recopier ???

 

Publié dans Clara

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C
Ah oui j'explique : c'est qu'en fait Lolo et moi avons assisté à une lecture musicale des lettres d'amour entre Tina et Edward, dans un lieu sympa qui s'appelle Le point de bascule. Il y avait d'autres lectures, avec supports audio, musique, chants, fedonnements, enfin c'était vraiment très chouette. Rien que du charme, du charme, du charme !
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L
peut-être écrire au point de bascule pour avoir les coordonnées des interprètes et lecteurs? ;-)
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