Les humanités - post scriptum à "René..."

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Pierre Perrault, "discours sur la parole"

Depuis belle enfance, je soupçonne les mots de craindre les voyelles, le forgeron de redouter l'enclume du petit matin, les romanciers de tout faire pour éviter la fin de la messe, l'archéologue d'effacer toute trace de son passage, les sémiologues, effarés par le coin des rues, de privilégier les images et de repousser le quotidien dans les poubelles de l'Histoire, car il est confortable et rassurant de vivre dans une forêt de symboles bien rangés sur les rayons de sa bibliothèque où cultiver la poussière du temps qui passe, bien à l'abris des intempéries.

Mais on ne peut pas non plus toujours abandonner les fontaines à la virginité. Il faut bien, un jour, que quelque chose arrive qui précède l'écriture et l'alimente. Il faut parfois que la chose devance le mot. Que la réalité précède le mensonge. On ne peut passer sa vie à combattre, dans des légendes, les tigres en papier et les ombres chinoises. Et je cherchais désespérément à prendre pied dans ma propre vie, à sortir enfin des sentiers battus de la Culture.

Alors que dire d'un peuple sans histoire, et par conséquent sans écriture, qui cherche à prendre pied dans le présent convoité par les marchands d'images et les fabricants de savon ? Voilà où j'en étais, avec plusieurs, au sortir de ce qu'on nomme, par dérision dans doute, les Humanités. J'avais en effet appris à vivre en lisant et aucune écriture apparemment considérable ne mentionnait ce fleuve orphelin et inexprimé qui pourtant cherchait  à prendre place dans mes mirages et mes géographies. Je me sentais dépouillé d'un fleuve que personne ne revendiquait sauf les armateurs anglophones qui ne se donnent pas la peine d'aimer ce qu'ils se préoccupent d'exploiter.

Pourtant, ailleurs, ici et là, je rencontrais des hommes oubliés par les images, négligés par les littératures, et qui, eux, apprenaient à vivre en vivant. 

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P
t'as bien raison.faut toujours dire quand on aime.
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A
encore, encore, pour dire que j'aime.
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P
pourquoi "encore"?moi aussi j'aimerais bien.
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A
je crois que je vais encore acheter ce livre.
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A
je crois que je vais encore acheter ce livre.
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