Les paroles de Ponge

Publié le par Precy

 

Très souvent, on y est revenu, à cette vanité de l’écriture. A ce « à quoi bon », puisque, pour faire court, ça avait déjà été dit, et puis mieux, et puis c’était à une époque où c’était nouveau, n’est-ce pas. On en a discuté parfois, du temps de la fac, autour d’un café ou d’une bière, et on répétait comme une provocation « oui, écrire, bien sûr, mais pff… » Souffrance déjà entrevue, clarté tellement peu accessible. Et puis on savait faire autrement pour tenir les choses, pas tellement agir sur elles, mais croire qu’on les possède, les circonscrit… On savait faire des enfants, gratter la terre, pétrir la pâte. Les mots, c’est autre chose. Il faut mettre le pied dessus, leur faire rendre gorge, et puis si possible, pas de la même façon que le voisin, hein. Alors, à quoi bon, par où commencer.

 Et puis, un jour, à la faveur d’un cours à donner, on tombe sur des paroles de Ponge. Celui qu’on aime, justement parce qu’il sait exprimer, comme on tire le jus d’une orange, parce qu’il sait faire le tour : voilà, j’ai tout dit, au suivant. C’est violent, mais c’est tentant. Ce qu’il nous dit à ce moment là, touche pile là où ça fait mal : on pensait que les mots étaient devenus transparents à force de traîner un peu partout, surtout dans des endroits peu recommandables, on pensait qu’ils avaient perdu de leur force (si tu réfléchis au nombre d’individus qui ont dit « je t’aime » avant toi ?), et puis le voilà, le poète, avec son air de pas y toucher, qui te parle exactement de ce dont tu as besoin au moment où tu en as besoin : « N’en déplaise aux paroles elles mêmes, étant donné les habitudes que dans tant de bouches infectes elles ont contractées, il faut un certain courage pour se décider non seulement à écrire mais même à parler. Un tas de vieux chiffons pas à prendre avec des pincettes, voilà ce qu’on nous offre à remuer, à secouer, à changer de place. Dans l’espoir secret que nous nous tairons. Eh bien ! relevons le défi. » (in Proêmes ?). On a moins de mal, après, à dire que la littérature nous aide à vivre.

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C
On a envie d'en savoir plus, Lunette. Et comment as-tu échoué sur notre planète ?
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L
Qui suis-je ? Petite lune ou satellite... <br /> Dans quelle étagère ? Un rayonnage où se trouverait Les travailleurs de la mer de Victor Hugo et d'autres livres encore, si on n'est pas trop à cheval sur le classement alphabéthique !<br /> Au dessus : un ciel variable aux intensités changeantes...<br /> En dessous : la surface morcellée par le vent d'une eau tiède...<br /> A l'intérieur : l'envie de partager une aventure si particulière, vraiment généreuse... qui ouvre des devenirs...
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C
Moi j'adore le train, on y est seuls et pas seuls en même temps, c'est comme une bulle, au contraire je me sens très accompagnée, en train, j'y rejoue ma vie avec tous ceux qui la remplissent. <br /> Oh ce serait drôle que tu y joues de l'accordéon ! <br /> Oh là là déjà 15h20, je bosse un peu, hein...
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M
Sisi, pour moi le train ou peut-être est-ce le quai ou je sais pas quoi encore, le fait de se déplacer seul, c'est la solitude...<br /> <br /> On peut toujours essayer de la bercer ; Marc Perrone disait que le train est comme un accordéon (des boîtes avec un soufflet entre)<br /> <br /> On peut toujours essayer de prendre un accordéon dans le train, il a été conçu pour cela, c'est l'instrument des émigrants, d'ailleurs
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C
Oh chouette d'avoir des nouvelles d'Ad, il nous manque ici.<br /> On n'est jamais seul dans un train, m, si tu regardes bien.
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