Tonton Beurre

Publié le par ad

Il y’ a quelques années je devais avoir 15 ou 16 ans, comme j’en ai parlé dans un article précédent, j’étais à l’école de la Grotte Rolland, école spécialisée pour handicapés moteurs. On était une bande de potes, c’était les premières boom, les premières cigarettes, les premières cuites mais pas vraiment les premiers flirts. Jean Marie devait avoir 1 ou 2 ans de plus que moi, il souffrait de la myopathie, c’était un peu un grand frère, il profitait de la vie comme ce n’est pas permis, il a fait tout ce que l’on peut faire en 2 vies, il a voyagé, il a bu, il a ri, il a organisés des soirées, il a bossé un peu et déconné beaucoup, il ne croquait pas la vie à pleine dents, il la dévorait. La maladie, très tôt il a compris quelle en serait l’issue, on en parlait rarement sauf les soirs d’ivresse, je sais qu’il vivait très mal la solitude sentimentale comme la plupart des handicapés. Un jour qu’il organisait son anniversaire, il invita tous les potes, y compris moi évidemment, il n’habitait pas à Marseille, il fallait donc pour se rendre chez lui prendre le car, et donc il fallait de l’argent, et moi l’agent à cette époque je n’en avais guère ma bonne dame. Il fallait acheter un cadeau pour lui mais aussi pour Martine sa sœur qui était née 2 ans avant lui mais à la même date. Donc quand il a fini d’inviter tout le monde j’étais assez mal à l’aise, il m’a regardé et il m’a serré la main en me disant je compte sur toi samedi, quand il a retiré sa main j’ai senti un papier dans la mienne, c’était un billet de 50 Francs, je ne sais pas comment il avait compris, il a rajouté ne dis rien, je tiens a t’avoir à mon anniversaire. Avec ces sous je me suis acheté un ticket de cars aller seulement, je me suis dit qu’il y aurait toujours quelqu’un pour me raccompagner, un 45 tours pour lui et un paquets de cigarettes pour Martine. Quand je suis arrivé chez lui le samedi, il avait le fauteuil plein de cadeaux, il n’avait pas fini de les ouvrir tous quand j’ai sorti mon pauvre 45 tours, à ma grande surprise il tout jeté en criant c’est le disque que je voulais et Martine quand je lui ai offert le paquet de cigarette, elle m’a pris dans le bras en criant t’es le seul a avoir pensé à mon anniversaire. On a passé une après midi extraordinaire et évidemment le soir on m’a raccompagné. La vie a fait qu’après l’école on s’est un peu moins vu, je sais qu’il a continué a vivre toujours à fond la caisse. Ses neveux l’appelaient « tonton beurre ».Je suis allé sur sa tombe avec sa sœur, je lui ai raconté des tas de choses sur notre enfance, elle m’a raconté des tas de choses sur l’adulte qu’il était.

 

Ce blog me permet de rendre hommage à ceux qui ont marqué ma vie, béni soit le jour où il fut créé.

Publié dans Ad

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G
Mon bon Seigneur Ad, Merci pour ce frisson de minuit!!!
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L
Mais non, c'est même pas ça que j'voulais dire! C'était bravo Ad, c'est encore un article magnifique, un pas vers ce qu'on avait dit...tié trop fort.
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L
Ahhhh... ben voilà, moi j'ai fait manger les enfants.... Bon la prochaine fois, faîtes aussi manger les vôtres...et venez me rejoindre un peu plus tard, j'ai envie de dire...flutre!
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M
On se demande un peu si JCD reste sans voix devant le texte d'Ad, si y'a comme une protestation muette devant le cours culinaire des choses ou... s'il a pas eu trop le temps...<br /> <br /> ET QUE SIGNIFIE L' APOSTROPHE ???<br /> <br /> ''
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M
Oui, c'est un texte magnifique, merci Ad, on y entend la vie et la voix des gens et c'est assez rare, ces temps-ci ; <br /> <br /> Ca me semble en phase avec ce que disait Précy du rôle de ce blog (en commentaire)
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