Weegee

Publié le par m


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C'est vrai c'est l'été, on pourrait presque être tenté d'en faire quelque chose de commun même dans le New-York d'alors, de ne pas voir tout à fait chaque visage, chaque expression, la puissance de leur étonnement, de leur attitude comme un monde. Et pourtant, le visage du petit, celui qui passe tout près du jet semble être comme arraché, comme soustrait à lui-même, et le sol même semble devenir quelque chose comme de la lumière, au coeur de ce trop quotidien, quelque chose bouge encore, et c'est l'enfance qui s'y frotte, qui s'y plonge (ici aussi), en nous.




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On devine tout cela, l'attitude de chacun ici, devant la mort. Ou plus exactement le meurtre, le flash du photographe de ce contre-jour. C'est cela, un meurtre a eu lieu, chacun répond à sa façon, se regardant, et dans la scène, et dans l'action, chacun semble se débattre et devoir faire disparaître ses propres traits. Tous deviennent invisibles, tous semblent écrire chacun dans sa violence, la disparition. Le corps qui est absent est le disparu. Il semble éclairer toute la scène, se refléter dans la perte de chacun de ces visages. chacune des expressions ; chacun l'interprète pour soi. Chacun de ces visages porte son propre monde et chacun porte cette violence, crépusculaire.




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Celui qui a fait, celui qui a défait un monde, le voici. Un tueur de flic, pas le même, sûrement, un autre, et pourtant. Son visage porte aussi le drame, mais encagé, en retrait, dans la violence intérieure de ce qui a porté à cela. Sa propre vie s'écroule, il va être privé de monde, lui-même s'est retiré de ce qui le portait pourtant, rien ne le sonde plus que l'écroulement et le monde des pensées. Des linéaments du corps immobile, de la fin proche, du couloir de la mort, des interrogatoires. De l'événement de ce qui ne se revit pas, ce sur quoi on ne revient pas, puisqu'il détient la mort ; ce à partir de quoi toute sa vie se met à tourner. Peut-être cherche-t-il l'immobilité, sa manière de résister, une sorte de pesanteur, un poids tout de même pour s'ancrer quelque part. Répondre de ses actes. S'il était encore ailleurs, Genet, Sade. S'il fallait chercher encore derrière le dos de l'homme de la loi quelque raison, quelque amitié pour le traître, pour l'envergure de ce qu'il a créé, pour le tourment dans lequel se débattent les hommes ?






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Et si quelqu'un nous protégeait, même de nous-mêmes, et même dans une cage d'escalier, si c'était le sommeil ou l'enfance. Si les mots offraient plus que leur sens s'il fallait retourner. Cage d'escalier pesanteur, un rêve commun les absorbe-t-il comme lorsqu'on dort les mouvements de l'autre. L'étoffe du rêve et les fils d'araignées les soies ouvertes sous les linges de quelque repos. On n'y voit pas trop, je vous passe les détails mais y'a comme une chaleur douce, pelucheuse ronronnante tout au centre et le sein, cette drôle se sensualité au coeur de la scène ; on ne pense pas nourriture, on pense chaleur, voir, se pencher vers ce qu'offre d'humain cette misère, cette ouverture.

On n'arrive pas à distinguer ce qu'il va advenir d'eux après, après le réveil vers quoi vont-ils aller, rire, ensemble, chercher quelque chose à manger, rentrer chez eux. Peut-être cherchaient-ils cela, quelque réconfort et un courant d'air, dormir ensemble quelque part, simplement, pour une fois.
 

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M
Y'a une magnifique expo de lui au musée Maillol, à Paris.
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