Quel don de soi ?

Publié le par Clara

Ah, c'est déloyal, Yehudi, il n'était plus là pour se défendre !
Ceci est le 11ème court métrage des 32 dont je vous parlais (32 comme les variations Goldberg).
Pour ma part, je comprends complètement la position de Gould. Le public est une masse informe et effrayante et cruelle. S'y jeter en pâture a quelque chose d'inhumain.
Mais du coup, j'admire énormément les gens comme Menuhin, qui parviennent à rassembler le courage de le faire, comme un cadeau. Parce que pour le spectateur, c'est merveilleux d'assister à un concert, en vrai. Cela n'a rien à voir avec un enregistrement, parce que justement ce sont les imperfections qui en deviennent émouvantes.
Il s'agit d'un don de soi. Un arrachement.
Gould interprétait comme s'il écrivait. Et bien entendu, il faut pour cela du retrait. On ne peut écrire un livre devant le regard de qui que ce soit, car lorsqu'on écrit, on n'est pas là, on n'y est pour personne, ce serait une torture d'écrire devant un public !
Et si l'on y a mis beaucoup de soi, il est impossible de le lire, ensuite, devant des gens. Mais on le fait lire, comme un enregistrement, en différé, sans que l'on soit là. On le fait lire, on ne le garde pas pour soi, car on a un grand orgueil, quand même, ou au contraire l'humilité de croire que ce que l'on a écrit, composé ou joué, ce sur quoi on a tant travaillé, ce serait égoïste de le garder pour soi, qu'il faut le partager. Voire, le donner.
Gould jouait comme ça, je crois, dans des strates très profondes de lui-même. Il ne s'agit pas d'au-delà, comme il est question dans le film, mais d'au-dedans.
Je suis émerveillée par la musique de Gould, mais je préfère l'humain qu'était Menuhin.

Publié dans Clara

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