La folie 2

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"Autant qu'on peut le dire, le poète est le lieu d'une dialectique de l'égarement, qui reproduit et rend possible le mouvement même du vrai, celui qui épanouit l'erreur en vérité."


"A vrai dire, il n'est plus fou du tout, ce qu'on appelle fou (entretien du menuisier Zimmer avec G. Künhne (1836), chez qui Hölderlin résida, durant les années de la fin). Il dort bien, sauf pendant les grandes chaleurs : alors, toute la nuit, il monte, il descend l'escalier. Il ne fait de mal à personne. Il se sert lui-même, s'habille et se met au lit sans aide.Il sait aussi penser, parler, faire de la musique et tout ce qu'il faisait dans le temps. S'il est devenu fou, c'est à force d'être savant. Toutes ses pensées se sont arrêtées à un point autour duquel il tourne et tourne toujours. On dirait un vol de pigeons tournoyant autour de la girouette, sur le toit. Il ne peut se supporter dans la maison, va dans le jardin. Il cogne au mur, cueille des fleurs et des herbes, il fait des bouquets, puis les jette. Toutela journée, il parle tout haut, se posant des questions et y répondant, et ses réponses sont rarement affirmatives. Il y a un fort esprit de négation en lui. Fatigué d'avoir marché, il se retire dans sa chambre et déclame à à la fenêtre ouverte, dans le vide. Il ne sait comment se débarrasser de son grand savoir. Ou bien, pendant des heures à son piano (la princesse de Hombourg lu avait fait cadeau d'un piano dont il avait coupé quelques cordes), sans cesse, comme s'il voulait faie sortir jusqu'à la dernière bribe de son savoir, toujours le même air monotone. Il me faut alors raboter de toutes mes forces pour que la tête ne me tourne pas. Souvent d'ailleurs il joue très bien. Seulement, ce qui nous dérange, c'est le cliquetis de ses ongles trop longs. Les titres honorifiques ? (Hölderlin se faisait donner et donnait aux autres des tires de cérémonie.) C'est son moyen à lui de tenir les gens à distance, car on ne doit pas s'y tromper, c'est tout de même un homme libre, à qui il ne faut pas marcher sur les pieds."


"Au début, il n'existe pas encore ; plus tard, son existence a la certitude, mais aussi la réalité infiniment dangereuse de la présence poétique ; plus tard, enfin, il cessera à nouveau d'exister et, passé dans la transparence (l'appel de l'impersonnel, l'exigence du tout, l'origine), il ne sera plus Hölderlin , mais le mystère seul de son nom."

M. Blanchot "La folie par excellence", préface à "Strindberg et Van Gogh" Karl Jaspers (Minuit)

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L
Moi, je vais plutôt me mettre à raboter de toutes mes forces en essayant d'gnorer le cliquetis des ongles trop longs, j'adore!
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C
La folie nous guette-t-elle tous ?
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