Enfances

Publié le par m

Ben moi, hein, quand j'étais ptit, je lisais pas. Pas du tout. j'étais dehors. Je demandais toujours a aller dehors, c'était ça le grand truc. La première fois que je suis tombé sur un truc qui m'a touché, je veux dire traversé, c'était à une représentation de théâtre-psy. Je crois que c'était des gens de l'asile qui avait fait d'un bouquin une pièce, et qui la jouait. Après, j'ai écris un livre, j'ai pris dans ce livre ces mots qui allaient s'amenuisant, jusqu'à leur dernier souffle, je crois.

J'avais mis deux citations en exergue, qui me plaisaient :

Un truc de Daniel Boulanger : "Très tôt je m'aperçus que les lettres d'amour que j'envoyais se ressemblaient toutes ; demande attente, merci, nouvel appel, et que les réponses qu'on y faisait avaient le même tour. J'abrégeai donc, je contournais les évidences et ne parlais plus que du décor qui m'entourait, de l'image ou de l'idée qui me tourmentait autant que mon corps, mais je trouvai mes descriptions trop longues et mes cachettes bien théâtrales. Comme j'avais le temps je me suis mis à les réduire et dénuder, à regarder de biais ou par-dessous les villes, les êtres, mes sentiments, tout ce qui me tombait sous la main, à les concentrer en poèmes, c'est à dire en chambres fortes, à faire en sorte que le destinataire de ces mots eût à les forcer, à les prendre et reprendre. Je les appelais retouches."

Ce qui me plait, là, ces cette sorte de stase, de permanence et des plus grandes vitesses qui s'installent pour moi, quand quelque chose touche à l'amour.  L'histoire des retouches, de l'entreprise de reprise et de minoration était l'histoire du livre. "Tout ce qui me tombait sous la main" évoquait cette sorte de chute du monde pris, transformé comme en automne flamboyant par ces sentiments.

Un de Marguerite Duras, tiré de "l'été 8O", sur l'écriture : "Je me suis dit qu'on écrivait toujours sur le corps mort du monde, et, de même sur le corps mort de l'amour. Que c'était dans les états d'absence que l'écrit s'engouffrait pour ne remplacer rien de ce qui avait été vécu ou supposé l'avoir été, mais pour en consigner le désert par lui laissé."

Ca parlait de la valse-hésitation de l'amour, qui est de l'impossibilité de reçevoir de l'autre ce qu'on lui donne. Que l'écriture relevait de cela, de cette perte-là. Qu'elle s'inscrivait de manière étrange dans cette filiation ; sans qu'on puisse changer un seul mot, à l'histoire comme à la phrase. (Cette citation elle-même m'avait été donnée)


Suivaient les bribes et les blancs de ce texte, mon "aiguille creuse" à moi.



"Je ne pourrais pas expliquer comment et pourquoi Jessica ne ressemblait qu'à elle-même.


J'avais mal au ventre. Nousmarchions sans parler. Nous balancions tous les deux comme tout le monde fait toujours dans la marche, par automatisme, et j'ai songé : et si jamais elles se touchaient par accident ? Je mes suis écarté d'elle alors que c'était précisémment ce que je voulais (sic). Le soleil faisait à son nez une ombre violette de travers sur son visage. Le rebord en était parfaitement droit, rectiligne, à cause de la forme de son nez, comme si quelqu'un l'avait dessiné.

Le passé je veux dire. Et c'était toi, tu sais. Le passé c'était  toi.

J'ai dit quelque chose, mais si bas qu'elle ne pouvait pas l'entendre, j'ai dit s'il te plaît ne me quitte plus jamais parce que quand tu n'es pas là il me manque un morceau de moi-même et je n'ai nulle part où aller où je ne sois pas en morceaux. Je l'ai tenue, serrée comme ça. J'ai dit une prière à Dieu auquel je ne crois même pas pour qu'il fasse arriver quelque chose, là, tout de suite, qui la ferait rester toujours.

- C'était toi, elle a dit ensuite. Ca a toujours été toi. Rien que toi.
Elle a mis ses doigts dans sa bouche.
- C'est toujours toi.
Parfois les choses ne sont pas comme elles en ont l'air et parfois si.

Elle m'a regardé d'un air bizarre.
Tu m'as demandé s'il faisait beau, alors j'ai répondu qu'il faisait ce qu'il peut.
Jessica aurait compris tout de suite.
J'étais perdu.

- Je ne suis pas un petit garçon perdu, a-t-elle dit.
J'ai ouvert les yeux et je l'ai regardé sans comprendre.

De toute manière, on finira comme eux,
pourquoi résister ? Toutes ces petites scènes.
Nos scènes rétréciront, jour après jour,
et deviendront leurs petites scènes.
Pour le moment au moins, nous
avons de grandes scènes.

- Non, je t'en prie... elle a dit en fermant
les yeux.
Cette peur immédiate de l'isolement. Ce
désir d'être étreint mais cette peur
d'étreindre. Certaines choses soudain
ne sont plus permises. Etait-ce fini ?
J'ai enroulé mes bras autour de ce
j'ai pu trouver de plus proche d'elle -
moi-même.

Finalement, c'est une
question d'opinion. Les
siennes. Les miennes.
Les leurs.

Là, là, je suis là, Gil.
Je suis là Gil.
Je suis là."
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G
ou autour d'un bal, où l'on danse la valse... <br /> Et çà tourne, et çà tourne!!! C'est magnifique.
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A
génial m, comme un soir de victoire de l'OM
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