Chaud et froid

Publié le par Clara

Je rappelle que j'ai écrit ça lorsque j'étais enceinte d'une petite fille dont vous connaissez le prénom ! Bon, sinon, c'est très romancé, on est d'accord, hein.


La mi-décembre s'oubliait dans le froid. Plus encore que les autres années. Crise pétrolière, inflation étaient les mots qui en résonnant dans les esprits refroidissaient l'atmosphère entière. Ils sonnaient plus fort et plus froid en plein c?ur de cette région jonchée d'usines de plus en plus grises au fil de leurs fermetures s'abattant sur les hommes comme la grêle alternant avec une pluie sournoise. Les cheminées ne tousssotaient plus que d'ultimes crachats en de faibles soubresauts plus polluants que les fumées de la prospérité. En plus d'être trempés, on se retrouvait la tête couverte de minuscules paillettes d'acier.
Ma mère poussa un dernier cri. On lui posa ensuite sur le ventre son troisième enfant : moi. Plus tard, elle me dirait, oui ces choses-là s'échappent parfois des bouches des mères, que j'étais un bébé Ogino. Née d'une erreur de température. Mon père travaillait à ce moment-là dans une des usines fonctionnant encore. Il ne me vit que quelques heures après, un peu moins ému que pour les deux premiers enfants, un peu plus préoccupé aussi. Quelle poisse, tout de même, cet autre rejeton en ces temps si difficiles.
Ma mère, cependant, avait oublié toutes ces conjectures et conjoncture lorsqu'elle me vit. Elle me regardait, moi toute en cris et en pleurs, et s'étonnait elle-même d'être si heureuse. Elle pensait que rien ne pourrait ternir la fierté d'avoir donné la vie.
Puis elle constata que j'étais une fille. "Pauvre petite, murmura ma mère au nourrisson braillant, la vie est plus dure, tu sais, lorsqu'on n'est pas un homme. Il te faudra être plus forte." Elle savait de quoi elle parlait. Elle n'avait pas vraiment vécu les événements de 68, elle n'en avait pas eu l'occasion, elle faisait des ménages à cette époque, elle n'arrivait pas à croire en des temps beaucoup plus cléments pour les femmes. Quoi qu'il en soit, ce furent un peu les paroles de ma bénédiction, ceux que ma mère aurait aimé qu'une petite fée vint susurrer à mon oreille. Sois forte.
"Quelle tempête dehors !", dit une sage-femme. Je cessai de hurler à cet instant, et je posai un regard trouble de nouveau-né sur ma mère qui songea : oui, il faut se taire durant la tempête.
Le lendemain, les nuages s'estompèrent et de pâles rayons d'un soleil blanc vinrent souffler à mes parents l'idée de migrer vers le Sud, lieu où les tempêtes climatiques sont plus rares à s'ajouter aux tempêtes de la vie. Ma mère me regarda et sut que ma vie, ainsi, serait plus lumineuse que la sienne, et que j'aurai moins à me taire.
Ma mère demanda un calendrier pour y chercher le jour de ma naissance. Elle vit que l'on y fêtait la Sainte Lucie, qui signifiait "lumière", ce qui la soulagea tout à fait.

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C
Oui, poésie, poésie, j'avais un style un peu lourd à l'époque, je trouve. Je suis sûre qu'on va avoir d'autres styles surprenants. Moi, j'avoue, j'aimerais beaucoup lire le récit de la naissance d'Aimé Brioche ;-)
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A
beau récit,là où j'utilise la dérision tu utilise la poésie, émouvant, comme quoi, bon, il reste, lolo, galinette, m, jcd et shérazade
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